Julien Verhaeghe - "à bâtons rompus"
Yonsoo Kang, À bâtons rompus
Dans le cadre de Corée & ArtOnline / Exposition en ligne - à la découverte de jeunes talents coréens en France, Centre Culturel Coréen, 2020
Commissaire : ArtfactProject Group
Texte de Julien Verhaeghe
La série de dessins au fusain présentée par Yonsoo Kang étonne d’emblée par la variété de ses motifs. Intitulée "à bâtons rompus", de manière à signifier un mouvement créatif qui s’élancerait de façon saccadée, mais aussi les bouts de fusain qui se succèdent sans discontinuer, la série décline un ensemble de compositions couvrant un large spectre de possibilités graphiques. Des dispositions qui prennent l’allure de tâches opaques, de stries régulières ou de lignes serpentines en accompagnent d’autres qui s’apparentent davantage à des paysages stellaires ou à des vues microbiologiques. D’autres encore font penser à des empreintes laissées par un hypothétique dispositif circulaire, mais aussi à des masses informes qui littéralement se seraient écrasées sur la feuille de papier.
En procédant ainsi, Yonsoo Kang donne l’impression de vouloir explorer les limites de son médium, comme si elle avait été portée par les questions suivantes : quelles sont les possibilités offertes par la technique du fusain ? Jusqu’où peut-on se rendre, en matière de création et de composition, à partir d’une ressource unique ? Comment atteindre des territoires formels qui n’existent pas encore, avec pour seul outil un morceau de bois carbonisé ?
La démarche plastique de l’artiste explore donc le principe même de la création. Aussi, les paramètres créatifs qu’elle exploite sont de plusieurs types : il y aurait, par exemple, l’attention sur la façon d’appliquer le charbon sur le papier, en jouant sur une gestuelle tantôt appuyée, tantôt preste, ou en alternant entre mouvements réfléchis et mouvements spontanés. Il y aurait, autre exemple, l’interprétation des représentations mentales préalables que l’artiste aspirerait donc à traduire en dessins, en imaginant des motifs vaguement répétés, des jeux de symétrie, ou divers effets visuels. Il y aurait, enfin, l’accentuation des caractéristiques propres au fusain, en jouant sur sa capacité à rendre des noirs particulièrement intenses, ou au contraire en concevant des traines légères qui se déposent sur le papier comme de la poussière.
Toutes ces façons de travailler montrent que l’acte de création est guidé par des écarts entre intention et réalisation, préméditation et spontanéité, contrôle et contingence. Une grande importance est accordée au geste. Surtout, comme le montre Yonsoo Kang, ce qui motive la création est parfois plus intuitif : il s’agirait de faire preuve d’une absolue curiosité pour les formes et les figures, d’éprouver une sorte de fascination pour toutes sortes de phénomènes visuels, et d’avoir envie de laisser parler ses mains.
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